La Vieille Tour
L'inévitable boitier électronique embarqué (pour ne pas dire GPS) nous conduit devant l'antre de nos agapes par un chemin
forcément tordu et nocturne... à quelques hectomètres du port du Légué où nous nous trouvions quelques heures auparavant. Environnement pas forcément magique pour une devanture somme toute banale
qui contraste hautement avec l'intérieur.
L'entrée signe une déco résolument contemporaine avec la cuisine au rez de chaussée et une salle privée sur le même niveau.
quelques dizaines de marches plus haut, nous accèdons à la petite salle aux tons "clairs obscurs" agrémentée de poissons en verre et d'un éclairage doux et agréable. Les bougeoirs et sculptures
"érotiques" sont l'oeuvre de Solange Adam et le restaurant héberge tout au long de l'année des toiles d'artistes que l'on peut acquerir.
Nous allons découvrir la cuisine de Nicolas Adam à travers son menu dégustation proposant "les coups de coeur du chef et les produits les plus nobles en 6 plats".C'est frédéric le sommelier de
l'établissement qui vient s'enquérir de nos préférences en matière de vins puisque j'ai aussi opté pour un accord mets & vins. Nous lui laissons carte blanche sur les accords que lui inspire
les plats que nous souhaitons pas connaître par avance.
On nous propose un apéritif, ce sera le cocktail maison pour madame (à base de grand marnier, de jus de fruits de la passion et d'un soupçon de vodka très bon) et un vin de pays des Côtes
de Gascogne petit & gros Manseng du domaine Uby (dont le sucre résiduel et le perlant me rappelleront le tarriquet dont je raffollais quand je découvrais le monde du vin) pour ma
pomme pour accompagner nos mises en bouche.
des grignotages dont j'ai oublié déjà la composition mais dont j'ai juste gardé le souvenir d'une excellente tempura de crevette (hors cadre).
Revoici notre sommelier qui nous sert le premier vin accompagnant notre 1ere entrée. nous partons immédiatement à la recherche de l'identité de ce verre généreux (et ils le seront tous). Le nez
puis la bouche nous emmène coté ligérien et nous ramène à la dégustation de chez Chidaine... Nous sommes d'accord, c'est Vouvray ou Montlouis. Nous nous arrêtons sur Vouvray après l'avoir
regouté...C'est puissant et fin, long et gourmand avec ce coté "minéral bien de là bas" Emporté par "ma parano de dégustation" du genre "t'as voulu nous pièger coco,mais on nous la fait pas ..."
je me perds ensuite dans le sud ouest puis en Rhône nord et j'annonce tout fierot à notre sommelier que j'hésite entre ces 2 dernières régions. Petit sourire de ce dernier et de nous annoncer
qu'il s'agit d'un bien d'un Vouvray sec "le haut lieu" 2007 Huet. Première "humiliation en demie teinte" bicause on avait trouvé mais on a changé d'avis en cours de verre..Il est
temps de découvrir notre "fausse" entrée:
Un Sorbet d'huître puissant, un maki au saumon légèrement "wazabié" et un acras de crevette transpercé d'une pipette contenant une sauce tiède au gigembre et citron vert. on nous conseille de
démarrer par cette dernière. On gobe la bille de crevette, on croque et hop on arrose le mini crustacé de l'assaisonnement... Marrant et bon...
Rapidement la véritable entrée fait son apparition sous l'intitulé suivant :
Cuisson des Saint Jacques au poil, expression "très crèmeuse" du puissant potimarron . Belle juxtaposition des saveurs, le tout en équilibre sur le fil. Le fumé du plat donne une longueur
supplémentaire en bouche de très bon aloi... Un fort joli plat.
Fred (ben ouais au 3 ème verre, j'ai déjà son diminutif et au dernier on finira par des culs secs en se tapant sur les cuisses... je m'égare) nous apporte la prochaine énigme. Toujours en blanc.
La robe est trouble, le nez minéral, en bouche, c'est superbe.Je le place bien évidemment en Loire comme j'ai l'habitude de le faire quand j'en sais rien du tout... Et je lui annonce un vin avec
une approche "nature"(bio ou biodynamie) avec une très très belle expression du terroir, superbement équilibré, fin droit net... Le Fredo (il doit être déjà fatigué de sourire à mes analyses de
comptoir) acquiese sur mes conclusions en me disant qu'en effet le vigneron a une approche très pointue de ces vins par rapport au terroir et qu'il travaille en biodynamie. "Enfin" me dis je
intérieurement en rougissant extèrieurement sur ma "perf". fierté de très courte durée quand il m'annonce qu'il s'agit d'un Sylvaner Vieilles Vignes 2007 Ostertag. Ce dernier à
voulu prouver qu'on pouvait obtenir de très beaux vins avec ce cépage (souvent dénigré et mal utilisé) sur des terroirs (et dieu sait s'ils sont complexes là bas) qui s'y prêtent et que ce vin en
était la preuve. Je suis emballé par ce dernier que l'on nous propose sur un plat qui va révéler le talent de notre sommelier. J'en ai révé et il a osé nous proposer ce vin sec, puissant et
minéral sur :
L'idée du sommelier étant de proposer un vin en rupture avec le moelleux et la richesse de notre hamburger çi dessus.
Composé de pruneaux au vin d'épices, de foie gras et d'un sablé au beurre avec un ketchup de framboise, ce plat désormais emblématique de la cuisine de Nicolas Adam est souvent traduit comme un pied de nez à la "cuisine fast food". Il n'en demeure pas moins que cette association de fruit, foie et de gateau (le tout couronné par un lamelle de parmezan) détonne par ses saveurs (ne pas oublier de badigeonner les bouchées du merveilleux ketchup).Je me dois juste de signaler que le plat aurait été parfait si le foie gras avait été dénervé (j'avais eu le même petit désagrément chez Jeffroy...).En attendant l'accord avec le sylvaner était parfait et il est trop rare de voir ces accords pour ne pas le souligner. Quand on vous balance un énième "liécoeurant" liquoreux qui vous plombe le palais et l'estomac à ce moment du repas car "le foie gras appelle le sucre"... Bravo Frédérico !!
Tiens voilà d'ailleurs ce dernier qui revient nous proposer le vin blanc suivant... Moins expressif que le sylvaner, sur des notes de fruits blancs, un léger boisé surnageant et de structure moyenne... Comme d'hab mon flair habituel ne me laisse pas deviner un étonnant (vu mon diagnostic ligérien habituel et un passage dans mon vide rhino laringologique de roussanne & marsanne constituants le breuvage) mais néanmoins bon Crozes Hermitage "Les marelles" 2007 Gilles Robin. Ce dernier accompagnera :
Mesdames & Messieurs, en exclu mondiale ma 1ere oeuvre gastronomique...
Après cette "récréation créative"(qui à dit que je ne savais pas peindre !!). Le sourire de Frédo réapparaît avec "proposition de changement de couleur dans nos verres". "Un peu de rouge ?!!" La miss acquiese, je confirme.
Un nez profond, de fruits noirs et rouges.Un boisé de type international (c'est à dire copieux) qui me fait penser à une syrah (shiraz devrais je dire) australienne, c'est fruité à souhait même si le boisé domine mais avec une jolie trame. Comme d'hab je me laisse emporter et fini par un cabernet shiraz. Sans trop me mouiller, j'annonce donc un vin étranger, coté hémisphère sud... El Frédo certainement pris de pitié devant mes performances hors normes confirme bien l'origine étrangère de ce "Pinot noir" 2006 Clos Henry de Marlborough (Nouvelle Zélande). Je me suis juste trompé d'ile et de cépage mais j'avais juste l'hémisphère .
Frédéric nous livre un court résumé de ce pinot issu de vignes de 3 ans et déjà exploité et embouteillé dans ces contrées alors qu'il semble inimaginable (voir impossible) de produire du vin sur des vignes aussi jeunes en bourgogne...A peine l'explication terminée que l'on nous apporte un des clous de la soirée :
La photo fut prise hélas une fois la cloche de verre enlevée. Cette dernière maintenait les légumes dans un halo de fumée. C'était très esthétique et impressionnant (la moitié de la salle s'est retournée quand elle a aperçu nos plats ardoises).
Les légumes (en haut à gauche) sont effectivement délicatement fumés au contact de nos papilles. Le pak choy (à droite) est "woké" tip top, et le turbot est cuit au laser (pour un des 2 morceaux le second étant en retrait en terme de précision) gouteux et délicat...
On se remets doucement de ce très bon plat pour le 6ème rappel de notre Freufreu qui nous propose de rester dans le rouge pour le 1er dessert. Les papilles affutées comme pas possible, je devine une très jolie acidité et de la syrah et me dis que ce vin doit être produit quelque part sur terre... Bingo pour l'origine c'est en effet sur la planète terre qu'est produit ce vin mélant en effet syrah et grenache : Baux de Provence « La Chapelle de Romanin » Château Romanin 2005 pour accompagner :
En conclusion :
- Une cuisine toute en puissance et en délicatesse orchestrée par un chef amoureux des produits nobles, nostalgique par ses clins d'oeil au "passé", et amateur du beau dans l'assiette comme des oeuvres sur ses murs.
- Un sommelier véritablement dans le coeur de son métier et qui ne doit rien changer (à mon humble avis) sur la manière d'aborder son rôle.
- Des verres de vin très généreux (à vue de pif pas loin de 2 bouteilles au global, c'est beaucoup diront certains, c'est pas mal diront les autres comme moué) dans cette version mets & vins.
- Je déconseille malgré tout le repas décrit çi dessus si vous êtes une petite fourchette (indigestion quasi garantie) pour les autres (fourchettes XL et XXL) vous n'aurez guère faim au petit déj...
- Un service qui "glisse avec aisance" (et quand on voit la configuration du restaurant difficile de ne pas tomber) et une ambiance décontractée chic et complice, dans l'esprit que semble défendre leur "modèle" et néanmoins amis de Lorient Jean Paul et Véronique Abadie.
- Une énième leçon d'humilité dans la dégustation des vins à l'aveugle. C'est pas nouveau pour moi, mais que voulez vous j'aime ce jeu où je ne brille guère mais qui me paraît indispensable pour aborder tous les vins à "poil" c'est a dire sans "l'effet étiquette" qui plombe selon moi toute dégustation objective.
La vielle Tour
75 rue de la tour
Port du Legué
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0296331030
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