Beef Club
Les dernières tendances gastronomiques parisiennes mettent en exergue une franche obédience pour les "burgers" et les "bistrots-restos à viandes". Dans mon "imaginaire", c'est Le Severo qui a largement contribué au développement du concept de "bistrot viandard transcendant avec précision et soin des pièces fournies par des couturiers de la carcasse et de la barbaque".
D'autres ont creusé depuis le sillon, "name-droppant" inlassablement le duo carnivore le plus disputé du Bassin parisien (j'ai nommé Desnoyer-Le Bourdonnec), ou en "popularisant" des viandes du bout du monde, censées être aussi réputées que nos grands crus pour le reste du monde...
Il y a quelques mois, Chrisos organisait un sympathique dîner chez Bang!. Des produits et une cuisine appréciables, un service hélas susceptible. Nouvelle soirée entre "scribouilleurs du net" dans l'adresse du moment, avec au générique : Mr Lung & Virginie, Mix, Fabrice, Isabelle (alias la Chewbacca des épileuses), Louise, Oanèse & Chrisos, Quentin & Aude, ainsi que Maître YodAlain...
Ouvert il y a un peu plus d'un mois, Beef Club est le fruit d'une "joint-aventure" entre le trio malin de L'Experimental Cocktail Club et du Curio Parlor (Pierre-Charles Cros, Olivier Bon et Romée de Goriainoff ), assortie de la "participation" du gourou du hachoir, Yves-Marie Le Bourdonnec himself (ils disent YMLB là-bas, c'est comme YSL pour la mode, ou DSK pour la mondaine).
Niché dans la rue (rieuse) J.J Rousseau, l'établissement a pour prestigieux voisin, l'incontournable, l'indispensable Ô Château, sans qui le monde serait peuplé d'ignares adeptes de Vin Fou et de pâté Hénaff. Une digression, qui me permet juste de commenter l'ardoise extérieure de ce dernier. Censée capter le regard morne du passant, forcément perdu dans cette rue, c'est un petit chef-d'oeuvre de ridicule. On peut notamment lire que ce bar est "très très très sympa", doublé d'un "fun" improbable, apte à attirer tous les surfeurs et les David Vendetta du 1er arrondissement.
Nous serons finalement 12 autour de petites tables calées au fond de la salle, géométriquement complexe, se prêtant à une partie géante de "Tetris humain" (copyright Quentin) dès qu'une vessie crie : "au secours, je suis pleine !!". Déco assez discrète, relativement passe-partout, plafond en céramique de salle de bains de clinique mutualiste.
Étude d'une carte recto-verso proposant des entrées (pour moitié maritimes) entre 10 et 24 €. Des plats proposant des viandes name-droppées Tim Wilson (Yorshire), "mâturées et découpées sur place par Yves-Marie" entre 23 € (rumsteack) & 90 € (côte de bœuf de 1 kg pour 2).
Le burger de rigueur (23€) trône à part sur la carte. Un poisson du jour (24 €) et un homard breton entier (45 €) sont disponibles pour les allergiques à la viande.
Ceviche de bar, coriandre fraîche & œufs de truite (15 €)
Une entrée fraîche, généreuse en coriandre, relevée, des morceaux de bar fermes. Ensemble "oriental" (merci la coriandre), relativement agréable, aux œufs de truite plus agiles que des anguilles pour échapper à leur morbide destinée...
Arrivés relativement tôt (20h30), 3 des 8 propositions carnées ne sont déjà plus disponibles. A défaut de picanha, j'opte pour :
Filet de rumsteack, frites maison, sauce aux poivres (26 €)
Un joli morcif, fort saisi à l'extérieur, au goût prononcé de charbon, à l'impeccable saignant à l'intérieur. Le contraste est agréable, la touche de charbon me renvoie une fois de plus de l'autre côté de la Méditerranée, où les barbecues à gaz feront sûrement une percée vers l'été 2067, ou celui de 2094.
Au delà de la cuisson irréprochable, c'est la texture fibreuse, relativement dense de la viande qui me surprend. Un filet qui se tient, qui répond à la mastication, en développant une mâche racée, classieuse...
Les grosses frites (charlottes cuites à la graisse de canard) sont pas mal, un peu molles pour certaines. La sauce aux poivres (sur une base de jus de viande ?!) est relevée, pas très fine, un poil huileuse. Chrisos & Oanèse nous proposent des tranches de leur côte de bœuf. Là encore, une cuisson et une tendreté au diapason...
Nous sommes seulement deux à tenter "une sucrerie de fin de repas". Même choix pour Chrisos et mézigue :
La profiterole au singulier - glace vanille de Tahiti et chocolat noir, sauce au whisky & praliné croustillant - 10 €
Énorme profiterole, au praliné croustillant très bon, gâché par un sucre en surdosage criant. Je cale après deux bouchées, offrant le reste de la profiterole à la tablée, obligée de contourner le corps affalé (et alourdi de 2 litres de raisins fermentés) de notre grizzly-Spiri, au ronflement plus "impactant" que les décibels produits par l'ensemble des convives.
Service discret, souriant, long, en ce mercredi soir, où une chaise disponible, est aussi rare qu'une voiture de TGV sans portable, hurlant une musique pourrie de chanteur à la coiffure mieux étudiée que ses glapissements de chèvre asthmatique.
Un petit Deux mots sur la carte des vins. Je ne sais pas s'il existe une "gabelle du pinard" à l'entrée de la rue JJ Rousseau, mais j'ai toutes les raisons d'y croire, vu certains tarifs pratiqués.
La courte carte des vins proposée, relativement pertinente dans sa sélection, est par moment tout simplement scandaleuse !! A se demander s'ils n'achètent pas leurs références chez le "pro" d'à côté, pour pratiquer les quelques coefficients délirants en vigueur. Des tarifs variant entre 29 € (Gigondas 10 Domaine des Espiers, coeff correct) et 650 € (Haut-Brion 95, pas super "choquant" pour autant sur ce dernier).
Le "Grand Prix de l'honnêteté" revenant au Vin de Pays 08 du Domaine des Tours, disponible pour 45 € sur table, soit un sympathique coeff 5.6, quand la "Palme d'Or de la bonne affaire" est attribuée à Terre d'Argile du Domaine de La Janasse avec un humble coefficient de 7.7 sur l'échelle de la culbute (115 € sur table, contre 15 € au domaine et chez certains marchands). C'est peut-être la norme dans le milieu des cocktails, pas vraiment dans celle des vins au resto (sauf dans les palaces et quelques tri-étoilés)...
Les politiques de répression sur la consommation d'alcool (et donc du vin), font souvent tirer des larmes aux restaurateurs, geignant de voir les consommateurs bouder leurs vins...
Se "goinfrer sur le dos des vignerons*" ne relancera pas la consommation des vins au restaurant. Un peu de réalisme, assorti d'une cohérence tarifaire (qui existe à peu près sur le reste de la carte), seraient bienvenus !! Même avec un coeff 3, on ne perd pas d'argent !! On prend juste le risque de vendre plus de bouteilles.
En conclusion, une cuisine qui tient bien ses promesses, un budget moyen "soutenu", "théoriquement" moins élevé qu'au Severo (un seul plat en dessous de 30 €, versus 4 au Beef Club). Je mettrais Bang! juste en dessous en terme de plaisir, financièrement plus accessible aussi.
Un effort tarifaire sur la partie liquide semble nécessaire, pour que l'on puisse apprécier pleinement cette bonne cuisine sans avoir la désagréable impression de se faire tondre en buvant...
Beef Club
58 rue Jean-Jacques Rousseau
75001 Paris
09 54 37 13 65
M° : Les Halles ou Etienne Marcel
* En même temps, le Vin de Pays était en rupture en milieu de soirée, je ne m'inquiète pas spécialement pour les finances du proprio de Château Rayas.